Il est des jours où le sourire fatigué des cieux maussades s’allient au regard censeur des humains et de la raison. La raison, la belle affaire.
Je suis revenue dans la maison de mon enfance espérant y retrouver la voix de mon père.
Dans la pièce d’à côté, une voix chante à tue-tête qu’il lui peine de visiter l’avenue du plaisir, mais qu’il faut bien puisque vibrer est une nécessité autant que se noyer dans les eaux troubles de la vérité.
J’ose enfin franchir le seuil de la chambre. Elle est là, dans le coin le plus sombre de la pièce. Son regard fixe une bougie laiteuse et de ses doigts façonne la cire encore toute malléable. »
Le vent se lève.
Elle ferme les yeux et me parle de sa voix rauque.
Sa voix est faible.
« Tard le soir, il me quittait et empruntait la petite rue sinueuse qui le happait l’emmenant déjà loin de moi. Je restai sur le seuil de cette porte et l’ima-ginai matelot allant rejoindre un quelconque navire. Souvent, il laissait un iris mauve tigré qu’il dessinait sur les murs des escaliers. Si bien que lorsque je déménageai ce fut un jardin d’iris que je quittai.
Un soir, alors que la brunante s’amusait à danser langoureusement, à en embraser l’horizon. Il ouvrit son sac et sortit des bouts de papiers. Il me les tendit me faisant signe de les recoller et de lire ce qui y était inscrit. Il semblait vouloir me dire que c’était là tout son trésor. Il alluma une cigarette au clou de girofle qui inonda la pièce de ce parfum âcre doux. De temps en temps, ses lèvres exhalaient des cercles de fumée qu’il s’amusait à défaire de son index. Il buvait de l’eau et faisait des grimaces enfantines. Dans une langue que je ne comprenais jamais, il ‘expliquait l’origine de ces lettres griffonnées enlacées sur un papier malmené par le temps. Il voulait absolument que je les lise, que je les déchiffre. Je n’étais pas tentée de découvrir ce que ces mots effilochés contenaient. J’avais bien tort, maintenant je ne saurai jamais.
Mais juste pour le plaisir d’être encore une fois fidèle a moi-même et à son souvenir, je te propose un autre exercice. Dessine-moi l’être. Toutefois, bien avant de commencer à barbouiller le canevas, ferme les yeux et retourne en toi. Histoire de savoir qui tu es. Histoire de lacérer un peu la petite couche mince qui te sépare et t’identifie du reste. Ferme les yeux et regarde-toi, étudie-toi. Reconnais-toi. Déshabille-toi pour toi et non pour le miroir. Seulement pour toi. Plonge, là où tu n’aimes pas toucher le fond. Attarde-toi à la crevasse qui recèle la blessure, ta vraie richesse. Si fond il y avait, là résiderait l’univers des projets excisés, ceux qui attendent et ceux que tu ne réaliseras jamais. Au centre, règne le monde des masques. A chaque circonstance, un masque nouveau, un nouveau bal de Venise. Une nouvelle tête, un nouvel esprit. Et là, la vie!
Ne t’en fais pas, je ne verrai ni tes larmes, ni tes rêves, et encore moins tes émois. »
Ce soir, il fait doux malgré le froid. J’attends patiemment qu’elle se manifeste. Devant moi, une pièce peinte en blanc. Ici et là des peintures ou des reproductions persanes. Timidement, un air lointain habite la pièce. Une silhouette apparaît. Je n’aperçois que le corps. Celui-ci est drapé dans une sorte de mousseline où or, vert et moutarde dansent ensemble. La silhouette se précise. Un corps de femme. Elle s’assied en face de moi. Le corps n’est ni mince, ni enrobé. Les poignets à peine apparents sont tout petits. Un masque long aux traits effilés cache le visage.
« Bienvenue dans mon univers. »
Lentement, elle enlève le masque.
« Tu es un personnage sans histoire. Tu erres rasant la frontière des mots. »
J’ai envie de lui dire que c’est ma passion, mon cri de guerre. Où commence la réalité et où finit le délire. Après la comédie survient inévitablement la tragédie. Mais je ne suis pas grecque, ma tragédie à moi est de ne pas savoir ou plutôt de trop deviner.
« Et le temps n’en finit pas de te rattraper, forcément tu finiras par abandonner. »
Ce soir, elles ne se manifestent pas. Il vente toujours aussi fort. Dans la nuit bleue, il pleut des étoiles. Une à une, elles virevoltent, puis s’éteignent. Elle avait raison, je ne suis qu’un personnage sans histoire.
Dans chaque fragment de femme, il y a toujours quelques tessons d’hommes.kb…sous le charme 🙂
Pas juste des tessons:-) sacré KB t’es inimitable. Chut, faut pas que je le dise trop fort parce que je vais encore me faire traiter de patate par M.L.:-)
eh ben chefti! t’as eu beau le murmurer, le cherif, qui est loin d’avoir les portugaises ensablées, à tout capté et ça lui en a mis gros sur la patate le pauvre chou (de quoi faire une bonne salade tout ça)kb…vinaigrette