M, Les Triplettes de Belleville

Les jeunesses et tout le charivari masturbation lexicale prise 1
Un petit grain de poussière. Solitaire, minoritaire, victime du nombre. Le temps, cet assassin me rappelle que nous ne sommes que des brindilles éphémères, des joncs, de la mousse. Je suis un corps qui n’a cessé d’enfanter. Ma tête porte plusieurs enfants qui ne cessent d’exiger que je les cajole, les nourrisse, les protège. Elles têtent mes vies passées, s’en nourrissent pour se frayer un chemin hors de moi. Je les recherche, elles m’échappent, je les confronte, elles m’attaquent, elles sont mon extension, elles refusent ma raison, elles vivent en moi, elles squattent mon corps, se délectent de mes fantasmes en font des pancartes de manifestations, s’en servent pour monnayer le désir, se noient dans des plaisirs artificiels, rient de ma naïveté, elles portent mon parfum, parlent ma langue, partagent mon regard, elles courent dans mon sang. Elles sont mes entrailles, ma chevelure, mon sexe, elles courent le long de mes jambes. Elles me renient, elles me déportent, investissent mes hanches et planifient leurs propres progénitures. Elles se servent à même mes souvenirs. Elles font l’inventaire de mes années, de mes nuits blanches, de mes fantasmes encore une fois et deviennent proxénètes, me reprochent de flétrir alors qu’elles sont encore jeunes, elles se parent pour mieux me ramener devant les miroirs qui confirment qu’elles sont le futur. Entre mes épaules reposent les affres du temps, je survis et persévère. Elles séduisent les passants en les effleurant, elles les caressent du regard, je tente de m’échapper. Je subis les affres du temps, leur remontrance, je me cherche ailleurs, elles ont accès à mes secrets, je suis leur bête. Je m’expatrie en les fuyant, je suis une double apatride, je fuis mon corps et n’ai pour unique référant que les rites que ma tête veut bien répéter. Elles sont mes intruses, mes insoumises, les graines de la rebellion, les fruits de la colère, les refus, elles m’annulent, m’effacent.
Mourir d’amour, de plaisir, de bonheur, c’est ma nouvelle maladie, la mort est une naissance à rebours, un labeur, des contractions utérines, une projection, une progression vers ailleurs. Je fouille le sol, je ne prie plus, j’improvise toute sorte de prière, à qui de droit et à l’amour. Apprendre la mort, apprivoiser l’attente, se laisser dompter par la détermination du temps. Compter les jours, les mois, les rides, les vergetures, les cheveux gris, les rides et les sourires qui les enfantent. La boue m’emprisonne, je cherche la source de la vie, je la retrouve, elle est matière. Je ferme les yeux et me noie dans le désert. Je n’ai plus de doutes, je les laisse, elles courent vers les miroirs et désemparées se maquillent d’un brin de candeur edulcorée, d’une once d’innocence délavée et d’un humour déconcertant. Dis, est-ce bien cela devenir femme?
Fin de ma masturbation vu que le texte est repris.

Puis ce soir, ma fille me montre fièrement sa conjugaison du verbe, tenez-vous bien-attachez vos tuques et vos ceintures-, du verbe forfaire. Awaaaahhh, je jette un coup d’oeil et je dis: princesse chérie, j’ai le regret de te dire que le verbe forfaire ne s’utilise qu’à l’infinitif et aux temps composés.
Elle me toise, za3ma toi la vieille tu radotes tu n’y connais rien aux verbes. J’encaisse le coup et lui demande d’entreprendre toutes les recherches.
Ma belle, on déclare forfait, mais jamais ne dit-on je forfais ou je forferai. Malgré les preuves que j’apporte elle me toise encore. Du coup, j’écris une note à la prof. en lui demandant d’expliquer la nuance à ses élèves. Moi, je n’enseigne plus, mais je refuse qu’on enseigne de la bouillie à même les fonds publics. Awah, je forferai c’est comme l’autre qui disait reste faire (pour laisser faire or let it be).
A suivre za3ma à la réception de l’explication de la prof qui a donné un 98% pour un test où le verbe forfaire était conjugué au futur, je forferai tu forferas il forfera et ainsi de suite.
Et demain, boulot le premier qui me demande de revoir un texte, je le bute. Je ne fais plus de révision pour quiconque parce que j’en ai marre tout simplement de ceux et celles qui s’amusent à me dire que le lecteur ne comprend que certains mots. Awaaaaah, je ne supporte plus la médiocrité à la sauce populiste. Ah! Je vous vois vous gratter la tête, vous n’habitez pas le Nouveau-Brunswick, bein voyons ça saute aux yeux!
Retenez-moi avant que je ne déclare forfait!