Mots-clés
Adolescence, Casablanca, enfance, Musique, Nass El Ghiiwane, Nos pères, Notre Vietnam à nous disait Bouchra
Nous étions à peine sortis de l’adolescence. Entre les défenses d’éléphant qui avaient quitté le salon paternel pour retrouver celui de son meilleur ami, nous déambulions entre des toiles originales et des affiches des années 70. Nous nous amusions à préparer des crêpes ou des omelettes. Cette petite maison tout près du lycée Al Khansaa était notre rempart contre la conformité, mais aussi notre université. Ou comme disait Bouchra notre Vietnam à nous. Ici, les histoires se faisaient et se défaisaient. Les voyageurs passaient, les parties de cartes s’éternisaient, les amitiés se renforçaient, les liens se tissaient. Ici, dans cette maison aux persiennes closes, au jardin défait, ici fut une partie de notre vie. Ici, nous vimes nos pères rire et pleurer. Ici, nous vimes la mémoire s’imposer à l’oubli. Ici, le maître des céans refusait d’oublier. Ici, chacun ses blessures pansaient. Ici, au milieu de nuages surfaits, nous avons grandi, nous avons observé, nous avons changé. Puis, un après-midi d’ennui, je voulus me perdre dans ce salon aux lourds rideaux et qu’elle ne fut ma suprise de voir deux jeunes hommes qui semblaient bien différents de nos pères. Ils étaient plus jeunes, à la chevelure moins soignée ou plus soignée. Ils portaient des tuniques de coton. L’un arborait une barbe, il était petit avec un regard vif. L’autre plus grand avait cet air de nonchalence et un port altier. J’avais frappé à la porte, était rentrée comme d’habitude et attendait Bouchra ou était-ce le retour de mon père que j’espérais. Je demandais la permission d’ouvrir la fenêtre qui donnait sur la petite cour et le chétif bananier que nous espérions voir un jour lourd de fruits. Le petit me demanda qui j’étais. Fallait-il encore se présenter. Nous étions tels des caravaniers, enfants nomades et toujours renouvelés. Nous avons parlé et avons ri. Puis, Bouchra est arrivée et m’a dit: tu reconnais le gars? Non, pourquoi il est connu? Il me lança un sourire en me disant: ne la crois pas, je ne suis qu’un petit troubadour. Nous avons joué aux cartes. Lorsque la nuit tomba, je me blottis contre mon père et assistais pour la première à l’une des meilleures séances musicales de ma vie. Le petit est mort quelques temps plus tard. Les habitués de la maison furent pendant des mois attristés. Moi, je demeurerai à jamais reconnaissante à ces deux qui me firent découvrir la poésie marocaine, pas celle des cercles, mais celle du coeur. Une pensée à Boujemii et Tahiri, ces deux qui un soir me firent découvrir un monde dont je ne suis jamais complètement revenue.
Cet hiver, j’ai cogné à cette porte. Le jardin était toujours aussi délaissé. Nos pères ont depuis lontgtemps quitté le quartier. Tu n’étais pas là. La rue n’était plus la même. Il pleuvait sur Casablanca comme pour pleurer le passé.
Et que serions-nous devenus sans Nass El Ghiwane.? Nostalgique? Non, besoin d’une bonne transe comme dans le temps où nous rêvions..
Assiniya
Ya Sa7
7en wa chfaq
il me revient un air d’antan
qui m’insuffle le désir
de baigner dans cette source
qui jadis coulait d’esprit,
d’entrain naïf et content
de ressasser le plaisir
d’un mot dit béni du coeur,
niellé à l’âme en chantant…
Merci pour ce billet.
Allah yrahm les batmas, boujmii et que Dieu nous préserve les autres !
les ghiwanes sont à jamais associé dans mon coeur à un être qui m’est cher (allah yerehmou)
à son retour du Maroc après ses années d’exil, nous nous étions tous retrouvé autour d’une table à savourer les retrouvailles de toute la famille, et les ghiwanes étaient là pour l’ambiance, il connaissaient toutes les chansons par coeur et nous les chantions tous en battons la cadence sur la table ronde qui nous unissait…
J’avais des milliers de questions à lui poser, plusieurs années à rattrapper, j’était jeune et les giwanes m’ont aidé à entrevoir une partie de lui
Tout cela me transporte des années en arrière, lors d’un séjour au Maroc !
Waaayli, hehehe.
EKM, tout le plaisir est pour moi.
Kenza, nous avons tous ces anecdotes comme quoi ils ont établi des passerelles à travers le monde et refait vivre la beauté en touchant même ceux qui du loin de leurs exils revibraient en les écoutant. Fou, comme ce groupe a marqué, quand je pense que maintenant on se fend le crâne à subir les claviers et les voix synthétisées et ghir li ja aligne deux mots a une danseuse ou trois et voilà.. Je vois rouge comme le jour où je voulais une zwija 🙂 pour faire péter les hauts parleurs de Oualidia avec les artistes renommés. Ne manquait que Doc Charlastan (pour faire rire Larbi)
Michèle, ces petits voyages garantis, suffit d’écouter fermer les yeux et on est là ou là-bas.
Mwah
Yah loula… merci d’avoir partagé, et de quelle façon ! , ce fragment de vie qui dessinait déjà le le chemin du passage.
Nostalgique et amoureuse d’un pays, d’une époque et surtout de personnes.
Nass Al Ghiwane quel talent. Leurs chansons et paroles sont d’une actualité saisissante.
Merci 🙂
Larbi, t’es chou, toi 🙂 ze t’adore si si ,ze t’adore.
Marocaine, pleasure is all mine.
Mwah,