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Ne pas oublier le mp3 de Che. Une longue histoire. C’est un jeune qui travaillait dans un des établissements où je loge quand je suis à Cuba. J’ignore qui des deux parents a pensé à le prénommer Che, toujours est-il qu’il porte le sobriquet d’Ernesto Guevara. Parce que che est une expression argentine et que che par ci che par là eh bien les Cubains ne manquant pas d’humour ont surnommé Ernesto Che. Bon, exit l’histoire 101 et passons à Che. Les Canadiens le surnomment Che Viagra et comme nous avions souvent l’occasion de discuter je lui ai écrit pour demander s’il avait besoin de quelque chose, il me répond oui un boulot au Canada, je suis danseur professionnel. Ah si tu savais Che là où je suis il n’y a ni troupe de danse ni endroit pour toi ai-je répondu.
Che biagra qu’il signe ses courriels, j’ai beau trouver l’expression rigolo je n’arrive tout de même à comprendre comment il peut la faire sienne. J’en veux à mes compagnons de voyage de l’automne dernier de lui avoir trouvé un sobriquet du genre.
Mais bon, qui suis-je après tout pour me demander ce genre de questions, moi je ne rêve que de Pérez à chaque fois que j’arpente les rues de Vedado et que je me retrouve face au Malecon. Et du Malecon j’essaierai tant bien que mal de trouver le nord-est vu que mes pensées seront vers le Maroc. Que voulez-vous j’ai toujours besoin de savoir où se trouve l’autre rive quand je me promène à La Havane.

A l’origine, je ne prenais pas au sérieux mes innombrables naufrages dans cette vaste immensité que je suis. Je n’avais nullement besoin de phare. Il y avait toujours l’océan qui m’interpellait, sans doute parce que je suis née et que j’ai grandi au bord de l’Atlantique. Je relis de vieux textes et l’océan est toujours présent bien plus que les plaines. Qui sait vraiment ce qui se cache en nous.Que ceux et celles qui savent, en sont persuadés lèvent la main et prennent la parole. Puis, j’ai découvert et me suis liée d’amitié avec les Cubains de mon village. J’ai trouvé en eux ce qui me manquait atrocement: ce sens de la dérision que possèdent certains peuples. Et mon rêve d’adolescente se réalisait, je partis pour Cuba. Il y avait au loin ce cousin que je recherche encore et que je ne parviendrai jamais à retrouver, du moins je ne me fais plus la moindre illusion. Au fil des visites, au fil des conversations je tentais de lire à travers les lignes. Certes, Cuba est une belle carte postale de l’extérieur. Pour les derniers communistes de la planète elle reste l’irréductible. Mais encore faut-il que nous, riches rêveurs, allions vivre un peu dans ce coin d’univers pour nous rendre compte que si le capitalisme pur et dur est une aberration, le communisme, lui, est contraire à la nature humaine. Cuba c’est un peu le Maroc, parce qu’il y a toujours les Tournevis de service, parce qu’il faut être extrêmement patient, parce qu’il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Cuba, c’est un monde en trois dimensions. La vie de la majorité, la vie d’une minorité et celle des diplomates et des expatriés. Chacun possède sa vision des choses et tout le monde se perd dans le dédale. Toujours est-il que c’est parmi les rares endroits sur terre où je me sens chez moi. Il y aura mon départ après une semaine de filles, oui juste mon adorable ado, la chienne et moi. Il y a aura la route, les bagages. Il y aura l’adorable attaché commercial qui réussit toujours à me faire rire et son assistante devenue une grande amie. Il y aura celui que tout le monde craint, mais avec qui je m’entends très bien. Il y aura la longue liste d’items à acheter une fois sur place. Des centaines de kilomètres d’autoroute. Il y aura des champs et des champs à perte de vue. Il y aura les évaluations de variétés et une fois de plus maudire la mentalité de ploucs qui sévit dans notre bout de l’univers quand il s’agit d’ouverture vers le monde.

Il y aura ce pincement au coeur car je ne sais si je reverrai tout ce beau monde, tout ce monde pour qui je me suis battue pendant trois ans. Trois ans de lobbying, trois ans de diplomatie, mais trois ans de franc succès. Souvent lorsqu’on me demande qu’elles sont mes sources de fierté, je réponds mes enfants et mes rapports avec les Cubains. Et un brin de tristesse car je doute avoir l’occasion de rencontrer Omar Pérez alors je continuerai à peaufiner mes connaissances en espagnol juste pour le plaisir de le lire et de découvrir à travers ses mots la vie selon lui.

Il y aura les visages connus, celui qui danse comme personne, il y aura à manger et à boire. Et ce jour là après tous les discours, après les salamalecs, quand tout le monde aura mangé, je me mettrai à danser. Danser pour enfin respirer. Danser pour me dire mission accomplie. Danser pour me libérer du stress aussi bon soit-il. Et au retour lorsque nous serons tous assis au bord de la piscine à faire le point sur la journée, je leur dirai merci de m’avoir fait confiance pendant ces trois années. Merci tout simplement. Puis je tenterai de demander une fois de plus aux Cubains où se trouve mon Atlantique à moi. Parce que j’ai longtemps bourlingué et que j’aimerais tant fouler ma terre et ne plus avoir à dire j’ai toujours tes senteurs en moi.