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Mon ancêtre à remis mes clefs aux Anglais. Semblable à une femme si convoitée, je me laisse porter par les marées, ébranler par les ouragans et je redoute les tremblements de terre.

Ces murs, ces bâtisses, les ruines témoignent de mes amours lancinantes. Je suis tantôt andalouse, tantôt néo-classique. Coloniale ou baroque, Art-Deco, élliptique et Bauhaus, éclectique et moderne, parfois Le Corbusier. Arpente-moi! Tu verras comme je me ferai séduisante.

J’avais hâte de la retrouver, hâte de la palper, de la parcourir et de la faire découvrir. Cette ville, comme toutes les autres, m’échappe. Sauf, qu’elle me fascine bien plus que les autres. À deux heures du matin, La Havane est silencieuse tel le sommeil d’un enfant qui rêve. Le trajet de l’aéroport José Marti à l’hôtel se fait à fenêtres ouvertes.

Tu dis aimer mes embruns et détester mon air. Pourtant, tu me reviens.

À l’hôtel, une dame astique le marbre. Des photos d’une époque révolue rappellent le faste de l’endroit. C’était il y a longtemps, du temps où il fut décidé que Vedado ne serait plus un parc. On y voit l’avenue des présidents avec quelques maisons ici et là.

Impossible de dormir. Du coup, je décide de causer avec la dame au bar. Nous parlons de tout et de rien. Je sors marcher sur mon avenue préférée. Il fait encore nuit. Le problème avec les Caraïbes c’est que le soleil se lève tard et se couche tôt.


À mon retour, je regarde des champions jouer au golf en compagnie des employés de l’hôtel. D’autres nanas se paient du bon temps avec de jeunes hommes. J’écoute, j’observe et voilà du foot. Second café, bijour la crise d’anxiété ce soir. Bein oui, je ne supporte pas le café. À vrai dire, je ne supporte pas grand chose, pas même ma personne, chuis mal faite. Je me contente du silence comme dit Mia. Elle a raison Mia. J’ai vu les fils de Marlene et j’ai été émue par leurs paroles, leur prestance, leur dignité dans la douleur. Je commence à peine à comprendre qu’elle ne sera plus là pour commenter ni répondre au téléphone. J’ai failli pleurer, mais je me suis retenue, ce n’était pas le moment. Ce n’est jamais le moment, il m’a fallu six mois avant de pleurer la disparition de mon père. Parce qu’il a fallu être forte, parce que bohème il refusait les larmes alors je me suis retenue. Ce n’est que plus tard, bien plus tard que je me suis effondrée tel un enfant qui se languissait de l’absence. Je ne peux pas parler de l’absence, je ne connais pas l’exil. Je suis entourée choyée. Je ne connais point les privations, sinon les matérielles de la merveilleuse époque estudiantine. Et encore moins le reste. Le manque vient avec le voyage de la vie. Il nous investit lorsque l’on s’y attend le moins. Il nous déshabille et nous effrite. Insidieusement, il nous noue et dénoue et comme des poupées de chiffon, nous essore parfois de notre essence. La dame à côté dit que la bêtise est humaine. Son amie dit qu’elle n’a jamais été bête avec quiconque. C’est comme le monsieur qui paie 149 tomates pour un siège tropical et qui emmerde tout le Monde parce qu’il paie. Shit man, personne ne te demande l’aumône!
7.40am, les enfants entrent en classe. Ils sont frondeurs et souriants comme s’ils savaient que j’aimerais croquer leur portrait. Je ne m’y résous pas. Un monsieur arborant un jersey Argentina passe.

7.43 et la ville fourmille. Les rires des enfants emplissent et étouffent le vacarme de la ville. Ils sont heureux. Qui ne serait pas heureux à cet âge? Ils me donnent envie de rejouer à la marelle, de courir et crier « à délivrer ». Il fait bon vivre et je n’ai encore fermé l’oeil depuis 24 heures. Il fait bon aussi, un vent océan berce la ville. Il fera chaud plus tard, mais en cet instant, La Havane se fait douce à vivre.

7.48 la cloche sonnera bientôt. Pourquoi mentionner la cloche quand j’ignore même s’il en existe une. J’imagine car je n’ai plus la force de rester debout

Comme d’habitude, les avions ramènent des lettres, des médicaments et de l’argent. J’ai compte et recompté l’argent et ai remis religieusement chaque montant dans une enveloppe. Peut être pas les mêmes billets, mais exactement le même montant.
Il n’y a pas de cloche, les écoliers sont rentrés silencieusement et ne reste que le brouhaha de la ville qui se meut. Puis, les voix des enfants brisent le bruit se réapproprient la ville pour ensuite se taire. Mon amie est née et a grandi dans cette rue et j’imagine que c’est dans cette école qu’elle a fait ses premier pas.

L’heure me rappelle le premier rendez-vous de la journée, de la semaine.

Tu me quittes déjà?

Je retrouverai la ville plus tard.