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Amy Winehouse par Javier Guerra
Par moments, Centro Habana est le coin le plus triste. Il suffit que le soleil se cache pour que la grisaille emprisonne les rues. Très peu d’arbres et tout au plus quelques pots de plantes sur les balcons. Contrairement à Vedado, on étouffe entre les genres architecturaux. Les rues y sont étroites par endroits. Et pourtant, il y a toujours le grand marché. Les autobus passent, les visages changent. Un enfant et son grand-père descendent la rue en chaise roulante. Le grand-père offre ainsi un son petit-fils une ride originale. Ils se parlent en souriant. Les rapports familiaux sont forts et toujours empreints d’énormément de tendresse. Je n’ose pas les prendre en photo.
Il y a du monde partout et tout le monde attend l’autobus ou une voiture du gouvernement qui passerait et offrirait le transport. Ici,les journées sont longues et la nuit tombe vite. Il faut se presser d’arriver chez soi. Visages de jeunes rayonnant et visages de moins jeunes. Sur la rue de la fabrique, les voitures sont bondées et le Rio Lunayo semble charrier mes pensées et mes espoirs. Une voiture gouvernementale s’arrête et offre le passage à deux passantes. Ici, chaque couleur de plaque d’immatriculation correspond à une entité. La bleue appartient aux différents ministères ou agences gouvernementales. La jaune appartient aux particuliers. L’orange aux compagnies. La verte est pour le ministère de l’intérieur. La kakie pour le ministère des forces armées. La rouge bourgogne pour les voitures de location aux étrangers. La noire pour le corps diplomatique. La marron pour les ministres et autres personnalités importantes au sein de gouvernement. Au début, c’est dur à retenir, mais on arrive à identifier les autos très rapidement après un moment.
Ce soir, je me dirige vers San Jose de las Lajas. San José est une petite municipalité de la province de Mayabeque, tout juste à l’extérieur de la capitale. Sur la route qui m’y mène, passent des autobus où les voyageurs semblent dormir comme ceux qui partent vers Ciego de Avila. Mayabeque et en particulier San Jose est le bastion de la recherche agronomique. On y retrouve au mètre carré bien des chercheurs dans diverses disciplines. Ici, la voiture n’est pas le moyen de locomotion par excellence. Ce serait plutôt l’autobus, la byciclette ou encore la charette. Il fait bleu tout d’un coup et je suis dans un tout autre univers. Disparues les rares lumières de la ville.
Le chauffeur de taxi s’excuse car il ne semble pas connaître là où l’on va. Mais, je sais que nous y arriverons car il y aura toujours quelqu’un pour me montrer le chemin. Et j’ai hâte de retrouver des visages connus. Arrivée, la première qui m’interpelle en me lançant: « Mi niña! » est une charmante agronome que je connais depuis 2007. C’est fou comme enlacer une connaissance fait du bien. Puis, c’est la valse des présentations. Et tout ce beau monde est content de revoir ou rencontrer la Marocaine loca de la papa. On boit, la fête bat son plein. Il y a des chercheurs de 19 pays réunis et moi je trouve le moyen d’inquiéter tout le monde parce que le cellulaire était fermé et que je n’avais pas le code pour le débloquer. On m’attendait à mon hôtel, mais je suis allée attendre le chauffeur dans un autre établissement. Cela m’a permis d’observer ce qui m’entourait et de me rappeler que ces petits impromptus donnent de la saveur au quotidien. Et que j’aimerais bien voir danser un officiel comme celui qui l’a admirablement bien fait à San Jose. Mais que voulez-vous danser la salsa faut absolument être d’ici pour être aérien comme dirait mon ami.