Solitude amoureuse, Cécile Beaucage (1993)
Elle est revenue avec cette fougue qu’ont les amoureuses de se reconnaître dans les histoires des autres, dans le refrain d’un chanson, dans les questions qui alimentent le doute. Elle me demande si j’ai eu bien des amants avant l’homme.
Qu’est-ce qu’un amant? Définir le genre serait long. Je lui demande d’être plus précise et elle me repose la même question. Ma belle, un amant cela pourrait être quelqu’un qui passe en coup de vent, qui s’éternise, qui meuble une vie, partage plus qu’un repas, quelques saisons, des rires, des pleurs, de vains horizons. Un regard croisé qui dure quelques secondes comme une éternité. Quelqu’un de rencontré entre deux réunions. Un objet de désir charnel et souvent spirituel. Un amant c’est tout simplement un livre rencontré, lu, effleuré, relu, caressé et souvent refermé. Un amoureux, c’est un peu le bruissement des feuilles, le gazouillis des oiseaux en plein milieu de l’hiver. C’est le printemps qui revient. C’est la chaleur des tropiques au fin fond du grand nord. C’est une rime offerte. Un sursis de plus contre l’ennui, un sourire au milieu des nuages, une ondée de mai, une promesse de la vie.
Mais encore, me demande t’elle. Mais encore quoi ma belle? Un amant n’a que le pouvoir qu’on veut bien lui donner.