Lucia envoyait balader les prétendants, Salomé avait un faible pour les armoires à glace. Je jouais aux spéologues dans un univers qui n’avait plus aucun secret pour moi. Entre les pas de salsa et de rumba, entre les Peuls et les Toucouleurs, entre l’est et l’ouest de la Main, entre les réfugiés chiliens et les barbouzes katangais; j’escaladai le fil de mes innombrables migrations.
Il fut un temps où…
Je me perdais à suivre les pas de Salomé qui jurait n’avoir rencontré plus rebelle que moi. Que m’importait, il suffisait que je ferme les yeux pour retrouver mon Afrique. Là, sur l’avenue du Parc, il n’y avait plus de frontières, nous n’étions ni Blanc ni Noir, la musique nous emportait, nous scindait.
C’était bien avant la déferlante du Raï et de Cheb Khaled, avant que le Ciao ne remplace le Keur Samba, avant que Bakhta célèbre poème d’Al Khaldi ne soit repris par Khaled. C’était avant, bien avant tant d’événements. Pour le moment, nous étions jeunes, insouciantes et complètement à contre courant.
Il restera toujours de cette époque un goût de figue et de citronnade , un goût de fraîcheur et de questions.
J’ai quitté mon amour antillais sur une piste de danse. Mon amoureux colombien s’est couché sur le boulevard en me criant que j’avais un roc à la place du cœur. J’ai quitté ma carapace pour ne plus être prévisible. Je suis partie en coup de vent laissant mes amitiés attendre et mes amants admettre. Je n’ai jamais pris le temps de regarder en arrière. À quoi bon observer la mue?
Et c’est jour-là que j’ai décidé d’exister en prenant les sens interdits.
Depuis, j’arpente les émotions en me défrichant chemin faisant.
Puissant comme toujours l’image au détour de la pensée ou alors c’est la pensée qui est surprise par une image au détour d’une phrase à la place d’une virgule