Je n’ai pas pris de notes et encore moins de photos (juste 300 clichés). Je n’ai pas cherché à comprendre, je voulais juste me laisser imprégner. J’ai pleuré le coeur serré, la gorge nouée de voir les champs défigurés par les sacs de plastique. De voir la misère toujours aussi persistante. De voir des quartiers aux rues noircies par les eaux usées. De voir des enfants sans aucune protection asperger un champ de pesticide.
J’ai bouffé des sardines grillées au bord de l’eau. J’ai repris mon accent 3roubi en deux temps trois mouvements quand je parlais aux lointains cousins qui me prenaient pour une martienne. J’ai vu la terre de Cain et ai pensé que j’étais folle de la désirer comme je le faisais. J’ai laissé les vagues m’emporter. J’ai revu Laakarta, Beddouza, Sidi Bouzid. Ai vogué entre Doukkala et Abda. Ils ont découvert le premier endroit où j’ai appris à nager. Ils ont déserté la lagune pour l’Océan et sa furieuse houle, ils avaient bien raison, la lagune cela fait tellement piscine. Nous avons ri malgré tout car la vie ne s’arrête pas là où on le pense. J’ai pleuré de tristesse en disant au revoir à mon Bruce Lee dont le corps et le cerveau sont ravagés par le cancer, mais aussi de bonheur de le voir entouré de ses enfants et de son adorable femme. J’ai revu la doyenne qui malgré l’âge et la cécité se souvenait de moi, ma fille lui tenait la main et retrouvait une partie de mon patrimoine. J’ai ri avec la belle celle dont les années n’ont point altéré la finesse des traits. Je n’ai pas fermé l’oeil dans mon quartier d’enfance, dans cet immeuble où j’ai grandi à cause de bien des choses et de la canicule. J’ai retrouvé la ville aux jaracondas et ai ri en pensant que bientôt ses habitants auraient besoin d’un visa pour y accéder. J’ai failli engueuler le boucher qui a massacré la coupe de viande et nous avons ri sous les étoiles dans la vieille maison de campagne de la Jnina. J’ai embrassé et humé ces visages qui n’ont pas tellement changé. J’ai découvert les petits de la tribu à la beauté aussi diversifiée qu’époustoufflante.
J’ai écouté les histoires des uns et des autres, je n’ai pas beaucoup parlé. J’ai ri de dépit de voir que c’était toujours la même vieille rengaine, les mêmes vieilles haines, les mêmes conneries que l’on ressassait over and over again. J’ai revu celui qui colporte la rumeur dans ma vieille rue.
Je leur ai fait découvrir les meilleurs glaces au monde et ils ont adoré si bien que je devais aller chercher une bombe glacée à chaque fois que nous revenions à Casablanca. J’ai envoyé balader le mec qui pensait m’en faire voir de toutes les couleurs. Je n’ai pas réussi à finaliser la paperasse car je ne soudoie et n’ai jamais soudoyé personne. J’ai compris qu’il n’y avait rien à comprendre et que malgré la nostalgie prenante, dévorante ma vie est ici tout comme les sont mes attaches.
J’ai pris le temps de redécouvrir les patelins et je faisais rire tout le monde en prenant un accent pincé (je préfère et de loin l’accent chantant des francophones d’Amérique du Nord, désolée) en décrivant, suivez-moi bien, mon parcours de Tnine Al Gharbia, Khemiss Zemamra, de Sidi Bennour, de Douar Grichate, de Mtal, Quelaate Sgharna, Rhamna. J’ai ri en pensant à cette femme rencontrée en Idaho qui me disait: mais où avez-vous appris à parler français? Vous n’avez aucun accent:-) Pshakh al b7ar!
J’ai découvert et revu des êtres derrière les blogs, ai enfin rencontré Nabil et Younes deux frères adorables rencontrés sur le net il y a de cela une éternité ainsi que Abdelaziz aux yeux tout aussi magnifiques que sa plume. J’ai pleuré de ne pas avoir eu la chance d’en voir d’autres car le temps m’était compté et que j’avais compté sans la lenteur et le sournois des Tournevis de service. J’ai parlé à Bluesman que j’aurais tant aimé rencontrer.
J’ai revu mes vieux amis, Mostapha et Mohamed et ai crié wa Hassannnn:-)en apercevant le premier, coin Moulay Youssef et Ziraoui, et ensuite plusieurs fois durant cette soirée. Mon homme s’est fait dire qu’il avait épousé de l’or en barre quand j’y suis allée avec de vieilles expressions aujourd’hui oubliées ou encore non utilisée. On était surpris que je parle encore et avec autant de facilité la darija. Qui peut donc oublier sa langue maternelle?
J’ai déambulé dans les rues de l’insoumise et l’indomptable seule par une matinée ensoleillée. Cette ville à la beauté sauvageonne qui survit et se refait entre le vieux et le neuf, entre le beau et le laid. Elle a gardé un petit air rétro malgré les balafres d’une architecture digne de Numérobis et Amonbofils. Elle fonce sans respecter les limites de vitesse. On la croit souvent anéantie et l’instinct de survie de ses habitants la fait renaître de ses cendres.
Non, je ne me suis pas terrée, j’ai juste oublié de dormir tellement des films entiers défilaient sous mes yeux. Je n’ai pas bu l’amer, j’ai seulement décidé que le pinot noir et le houblon me convenaient mieux. Bien des idées ont jailli, bien des projets ont failli voir le jour, mais le temps encore et toujours entrave le cours des évènements. J’ai découvert que j’étais encore plus mineure que je ne le pensais quand le notaire m’a parlé de la tutelle de leur père au cas où mes enfants seraient propriétaires d’une éventuelle habitation que je les voulais posséder à leur majorité et à parts égales. Et j’ai répondu bein pas grave quand il m’a dit que mon homme pouvait vendre sans que je le sache. Ma tal3ash ma tal3ash.
J’ai laissé faire le gribouillis devant la page blanche de ma mémoire, la pagaille envahir mon emploi du temps, j’ai juste pris le temps de dire je t’aime une fois de plus à ma tribu. Une minute, une heure, un jour à la fois car, là-bas, l’horloge de la vie respecte un tout autre rythme. Un rythme auquel je n’y connais plus rien. Oui, j’ai passé de magnifiques, mais si si courtes vacances. Et oui, j’ai fait le voeu d’y retourner à tous les ans. Voeu réalisable ou pieu? Que sera sera, j’ai appris une fois de plus qu’il ne sert à rien de faire des projets car la vie réserve bien des surprises à chaque tournant.
De retour
19 mardi Sep 2006
Posted Afrique du Nord, Le pays des ancêtres
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salam loula,en lisant ton beau récit de voyage, des images ont défilé devant mes yeux, des visages, Tu m’a fais regretter d’être resté sous la canicule de France et d’avoir préféré aller me prélasser au bord du lac de genève,bizarre comme les gens dont tu as parlé me sont familiers et pourtant c’est à l’autre bout du Maroc que je retourne quand la nostalgie m’y emmène,
Bon retour, bonne reprise, bon re-départ… et batati, batataSEM… en attentes d’autres contes du plusbeaupaysdumonde
Bonjour Loula…jaurai aimé te voir « au diner »…un engagement familial m’en empêché…un texte touchant…rare sont les personnes qui gardent leur marocanité comme toi Bon retouri m reading u Big bisou
oup’s i miss reading u
Et nous, alors ?!?Passé(e)s inaperçu(e)s ?!?Ô rage, ô désespoir, ô mémoire ennemie !ML… au nom de tous les « êtres derrière les blogs »
Bijour à vous,Kalima, canicule il y avait aussi, mais les êtres rencontrés et les situations plus cocasses ont pris le dessus et nous ont fait oublier la chaleur.Sem, j’ai failli te contacter avant le départ, mais partie une journée plus tard de Khmiss Batata je n’ai pu le faire.Bishara, pas grave ma belle, nous nous reprendrons, mais j’ai pensé à toi à chaque fois que nous passions près de l’OCP.ML, nari:-))), attends je viens à peine de télécharger les photos et je voulais avoir la permission de chacun et chacune avant d’en poster une ou deux. Sur ce sujet, j’en ai quelques unes qui valent leur pesant d’or. Nul besoin de te dire ainsi qu’aux êtres (absolument délicieux) derrière les blogs et les trois adorables internautes que nous avons passé en votre compagnie une très agréable soirée. Bien dommage, et je suis sincère, que le temps nous ait joué, encore une fois, un bien mauvais tour et que je n’ai pu vous revoir ou encore ai eu l’occasion de vous reparler.
nari quand j’ai lu ton texte ça m’a donné envie de repartir à Oualidia wa nnawa7i 😀 (j’y étais en août). Même en étant au Maroc, tu m’as filée la nostalgie des petites bouilles des enfants de là-bas (wakha je suis en stage en pédiatrie maintenant, et c’est pas les petits bouts de chou qui manquent :)Désolée de n’avoir pas pu te voir. Mais ce texte est magnifique..
Loula, j’adore ton billet. j’attends un autre sur la fameuse « paperasse » je sens qu’on va bien rigoler…et les photos bien sur! Besos.
Tu veux nous faire pleurer avec toi là…… wa lghorba ya loula, lghorba…snif.Bon retour 🙂
il manquait un peu de Kbal et babbouche dans ton histoire du côté de jardin Sindibad, je présume que le récis n’est pas encore finiencore merci pour ce voyagej’ai decidé que çà sera toi qui écriras mon autobiographietu sais rendre personnes quelconques en heros de l’histoire
Salut la compagnie,Sun Li, si la vie veut bien nous nous reprendrons. Bon stage:-)!Zalamoka, ma bqitch fik a khti, non les tracasseries je les garde pour moi, nah!:-)Amine, lghourba ou tabaranite, mais bon il y a la toile, le téléphone et les blogs et surtout la famiglia car celle d’ici est digne d’une télésérie égyptienne:-)Le Mythe, parce que je n’ai pas eu l’occasion d’en manger:-(. Tu me fais rougir Champion.Bonne nuit, ce soir je me mets en mode méditation c’est le 2ème anniversaire du décès de mon père.Mwah
Trés touchant, je me retrouve ds la même situation que toi, ça va faire bientôt qq années que je ne suis pas retourné à mon T3, j’ai hâte à Décembre.Rebienvenue chez toi.
Welcome back loula :-)Cela fait plus d’un an que je n’ai pas été au Maroc, j’ai vraiment la nostalgie… Ton texte est très émouvant. Merci pour « rihat leblad ».
Reda, comment vas-tu. Décembre? Ah, qu’est-ce que j’aimerais y retourner! Merci à toi.Marocaine de Montréal mer7ba, tout le plaisir est pour moi.
Loula,je lis et je relis cette merveille de texte. Je pense qu’il est venu le temps de mettre la main à la pâte. Tchejj3i. La mémoire est là et les mots aussi.mwahs xxx