Je suis certaine que tu n’aurais pas aimé voir ton portrait, pris par Alberto Korda le jour des funérailles des victimes de l’explosion de La Coubre, sur les poitrines de jeunes hommes et jeunes femmes. Je suis certaine que ni toi ni Camilo Cienfuegos n’auraient aimé voir vos portraits arborés pour convaincre le monde que vous êtes morts pour leur survie. Parce que vous ne saurez jamais combien les jeunes cubains vous vénérent. Vous êtes devenus intouchables. Toi l’Argentin découvrant le visage de la misère, toi qui mettais dans chacune de tes phrases ce che que seuls les Argentins utilisent que c’en est devenu ton surnom.

Pendant longtemps, tu étais dans le coeur des gens. Puis, la crise économique cubaine t’a sorti de l’univers des limbes. Tu es devenu une sorte de saint très rentable. Du fameux T Shirt au calendrier en passant par le porte-clefs.

Aujourd’hui La Havane te fêtait, mais toi tu n’aimais pas les fêtes ou du moins si peu. Parce que tu as quitté ce monde il y a 40 ans, nous ne saurons jamais quel homme politique tu aurais été aujourd’hui. Non, je ne te déifie pas car tu étais un homme après tout. Un homme déterminé à changer le monde dans lequel il vivait et puis nous ne saurons jamais alors nous te gardons sur le piédestal car tu fais partie de ces mythes qu’on aime garder vivants alors que tu n’étais qu’un homme. Pas n’importe lequel, il va s’en dire, mais un homme dont le parcours hante encore certains. Tes enfants voyagent à travers le monde surtout Camilo et Aleida. Un de tes petits-enfants garde une image si glauque de l’univers où il a évolué, ta fille-Hilda- t’as rejoint. Non, tu n’étais un ange, car quiconque croit qu’on change tout un sytème sans la moindre goutte de sang est innocent.

Et voilà qu’on ne veut tout simplement pas te laisser mourir. Icons die hard, they say. Régression est le titre du court-métrage.