Rien ne m’avait préparé à notre rencontre. Quelques heures avant mon départ vers toi, A. mon ami m’a relaté l’état de santé de E., ton fils, qui est aussi un ami. J’ai promis à A. d’aller te voir, te parler. Rien ne m’avait préparé à notre rencontre. Comment te dire qu’il allait mal quand toi-même vivais dans un état de précarité insupportable. J’avais oublié, moi la fille du pays appauvri combien les conditions de vie pouvaient être dures pour des milliards de personnes comme toi. Nous avons arpenté les rue de La Habana Vieja afin de te trouver. Il y avait ceux ingénieux qui montaient leur maigre marché à l’aide d’une poulie. Il y avait les vieux assis sur des tabourets de fortune observant la rue. Il y avait le soleil qui a fait chanter à Aznavour que la misère était plus supportable au soleil. Il y avait la vie, les enfants qui couraient après un ballon. Lorsque tu as ouvert la porte, les chiens se sont mis à japper et toi à essayer de les calmer. Les rayons de soleil illuminaient cette grande pièce qui il y a 45 ans aurait pu être une entrée, il y avait une sorte d’échelle qui menait vers le haut, mais cette partie de la maison est habité par une autre famille. Il y avait les pièces plus loin que je n’ai pas osé visiter. Il y avait ce lustre qui témoignait d’une époque bien révolue.
Rien ne m’avait préparé à notre rencontre ni à ta beauté. Fière, menue, ta beauté subjugante malgré les affres du temps et les privations quotidiennes. Il y avait la doyenne de la famille 93 ans et pimpante dans son petit ensemble de lin. Tu as apporté une boisson gazeuse, fier produit des forces de la révolution. Tu t’es assise et t’es mise à parler de la vie, tu as sorti une photo avec ton père, tu devais avoir quatre ans. Il était beau et fier et toi fillette déjà belle à en crever le papier jauni par le temps . Tu m’as raconté comment tu en avais pris soin avant sa mort. Ta dépression après son départ. Le départ de ton époux vers une autre femme. Tes espoirs pour tes enfants. La séparation de ton fils avec sa femme. Tu me disais ton inquiétude pour tes petits enfants qui voient de moins en moins leur père. Tu as sorti une grande enveloppe bourrée de courriels imprimés provenant d’E., ton fils, ou parlant de lui
Je ne pouvais ni voulais trouver les mots pour te répondre, j’ai préféré t’écouter et contempler ton regard osciller entre l’espoir et la résignation. Il est des moments où la parole est obscènité et insulte devant ceux qui s’expriment.
Tu m’as dit ne pas croire que c’était chronique, mais que l’état de ton fils s’améliorerait s’il était entouré de sa famille. Je t’ai demandé si tu voulais venir pour une durée limitée afin d’en prendre soin, de l’aider à suivre son traitement. C’était là le but de ma visite. La mort dans l’âme tu m’as répondu: qui prendrait soin de ma vieille mère? Tu as pleuré en me tenant la main et je n’ai pas senti mes larmes couler.
Mercedes aux rides qui racontent mille histoires comme celle de ce plafond décrépit. Mercedes, femme aux couleurs de cette ville tantôt enchanteresse, tantôt triste. Mercedes à qui la vie n’a fait que de maigres cadeaux pour ensuite te priver de bien des moments de bonheur.
Je n’ai pas osé insister quand tu as refusé que je prenne une photo de toi. Tu avais, par ce refus, exprimé ton inquiétude de plonger ton fils dans une plus profonde dépression. Je suis partie sur la pointe des pieds dans le dédale des ruelles de la vieille ville et me retournais sans cesse pour t’envoyer quelques baisers et des signes de la main. Puis, j’ai disparu de ton regard comme tes êtres aimés. Tu as rappellé le même soir pour demander à F. où je logeais.
Une heure avant mon départ, Douglas, le concierge de l’hotel me faisait signe de venir au téléphone. C’était ta voix de mère qui s’excusait de ne pouvoir accepter mon invitation à venir voir ton fils. Tu me faisais promettre de contacter C. afin de te donner des nouvelles de ton fils. Je te promettais de te visiter en mars prochain et d’amener de bonnes nouvelles. Personne n’a compris mes larmes sauf le concierge qui s’est porté volontaire pour traduire les derniers mots qu’une émotion intense m’empêchait de prononcer.
Merci, Mercedes de m’avoir rappelé que tout n’est pas rose. Je sais maintenant que je ne pourrai briser ma promesse ni tenter d’oublier ton visage.
3la slaaamtak a khalti loula.
Comme je t’envie ! Mais, entre nous, si pour partir ausssi loin et nous revenir aussi triste, bnakass !
Non, je plaisante. Vraiment, je t’envie car ça fait des lustres que je rêve de faire un voyage, pardon, un pélerinage, à cuba. Je voulais y aller pour 1000 et deux raisons, dont le cigare. Comme tu sais, moi, j’adore ça.Mais, hélas, maintenant, après mon petit (grand) bobo, le cigare, c’est niqué ! Au fait, à propos de cigare, la photo du post précédent est tout simplement génial. La femme édentée est sublime et son cigare doit être drôlement bon. Oups ! Je ne dois y penser…
Bon retour au froid, à la neige et au labour.
ML… cigare à moi !
C’est aussi à l’aune de telles rencontres que l’on se dit que notre passage sur Terre n’est pas totalement vain.
C’est poignant et ça témoigne de la cruauté de la vie . Ca nous pousse à relativiser.
Il advient, c’est ce qu’un appelle un destin ; qu’une grande dame rencontre une autre et que ça donne un billet plein de sens, d’enseignements et d’une promesse .
J’ai finis de te lire la gorge nouée
Je ne sais comment tu arrive à transmettre cette émotion, celle de ceux à qui la vie ne donne pas grand chose mais qui eux continuent de donner, donner d’eux même sans compter et s’excuser de ne pouvoir faire plus, se mortifier de ne pouvoir donner plus…
Il y a des ces beautés qu’on ressens sans avoir besoin de la voir, celle de mercedes nous prend littéralement à la gorge
merci pour ce beau billet, je suis ravie de te retrouver
C’est maintenant qu’on doit pleurer ?
C’est l’ann iversaire à notre Loula nationale et internationale
Joyeux Anniversaire Loula. Longue Vie. Eternelle Prospérité. Immense bonnheur. Et tout et tout.
champagnes, youyous, guirlandes, 7wala’s, voeux et Big kisses partout partout de ma part et de celle de mon chaperon.
15 Novembres et quelques bougies de ZaâLoula