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Sur la route des souvenirs, il faut savoir parfois s’arrêter et prendre le temps d’apprécier ces films qui passent et repassent disait Jimmy. Jimmy était unique. Il m’est apparu un soir alors que je regardais passer les nuages. Il me fallait un homme pour meubler mes histoires. Je n’ai jamais aimé les héros, je les trouvais, prévisibles et si moralisateurs. Quand ils ne parlaient pas au nom d’Allah, ils parlaient au nom de Marx, Lénine, Trotsky ou Gramsci et j’en avais marre des leçons apprises par coeur. Marre des baroudeurs de la parlotte, des missionnaires civilisateurs, de ceux qui pouvaient tenir des discours des heures durant, toutefois incapables de la moindre action quand venait le temps de prendre position. Marre de ceux qui sortaient leur curriculum vitae et ceux de leur connaissances pour se donner une certaine contenance. Marre des éternels adolescents, des fils à papa et maman. Bref, j’en avais marre des automates. L’humain n’est pas parfait, il est perfectible a dit quelqu’un. A d’autres.
J’ai toujours eu un faible pour les êtres qui se battent contre eux-mêmes et contre tous, ils avaient plus de substance et une sensibilité souvent occultée.
Est-ce l’automne qui fasse que chacun d’entre eux arrive en trombe et cherche à prendre le podium de mes souvenirs? Est-ce les feuilles mortes qui intercèdent en leur faveur?
Et cette envie folle de plonger, sur quel compte la mettre, de quoi, de qui? Et ces murs qui rétrecissent autour de moi? Et ces visages qui viennent me hanter la nuit, j’en ferai quoi?
L’homme 1:
« -Sur le compte de son indifférence forcée. »
Moi:
« -Monsieur, vous ne me connaissez ni d’Adam ni d’Eve. »
La foule des sans visages:
« -A d’autres, à d’autres la sprinteuse écorchée. »
Moi:
« -Je n’ai rien d’une écorchée, je veux juste éviter que ma tête ne devienne un bric-à-brac. »
L’apprenti:
« -Vous voyez monsieur, là, ce petit point. C’est en fait, une lézarde qu’elle a tenté de colmater des années durant. Un choc affectif aura sans doute été à l’origine. Elle en a oublié la cause tout simplement. L’être humain développe des mécanismes de défense incroyables suite à un choc. »
Amoureux number one:
« -Elle m’a toujours semblé en possession de toutes ses facultés. »
Amoureux numéro deux:
« -Forcément, tu n’as pas eu à ramasser les pots cassés! »
Amoureux number one:
« -C’est de ma faute maintenant? »
Moi:
« -Si je vous dérange, je peux aller ailleurs. »
Une femme:
« -Ils m’ont l’air pas mal éméchés le monsieur et l’apprenti. Et puis, il y a foule ici. Tu ne t’es pas ennuyée à ce que je vois. »
Majnouna:
« -Malheureuses sont celles qui n’aimeront jamais. »
Le nomade:
« -Mon coeur s’est égaré dans le désert et mes lieux communs sont ensevelis sous les murailles de béton. »
Majnouna:
« -Je veille la tombe des souvenirs, des rêves avortés. Que de baisers défunts enterrerai-je demain. L’herbe sous mes pieds est granit et la mémoire du mouvement s’efface. La nuit est une perpétuelle injustice. »
Le nomade:
« -Je porte son étendard, je scande son nom. »
Majnouna:
« -Le nomade, d’où viens-tu? »
Le nomade:
« -Je viens de contrées inconnues, ensevelies sous d’innombrables tempêtes d’oubli. »
Amoureux number one:
« -Tiens, tiens, en voilà un qui va tenter de la séduire. »
Majnouna:
« -Vous croyez? Au fait, comment a commencé votre histoire? »
Amoureux number one:
« -Je ne saurai dire, elle a toujours eu cette manie d’entrer dans la vie du monde en coup de vent. Au premier coup d’oeil, on se demandait bien pourquoi. Et, sans qu’on s’y attende, elle commençait à parler et là on prenait le temps de l’écouter. Puis, elle replongeait dans son mutisme. C’est ainsi qu’elle est arrivée dans mon quotidien, l’a meublé de lumière, de rires et a disparu comme elle était apparue. »
Majnouna:
« -Tiens, le vent se lève. »
Le nomade:
« -Le ciel se voilera et tant d’histoires seront emportées. »
C’est là que je pris la décision de les laisser parler, pris ma gibecière et me mis à arpenter les sentiers en espérant gauler ces démons tapis en tout au fond de moi.

Et ce sera comme chante Raúl « Calor, tabaco, ron y poesía. »