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Le lendemain de notre arrivée, Yamilé vient me demander si j’ai besoin d’un chauffeur. N’ayant pas eu le temps de prévenir mon amie de notre arrivée, j’accepte l’offre.
En le voyant arriver et en lui serrant la main, cet homme me fait penser à mon père. Il possède la même chaleur, la même gestuelle. Le voyant si affable, si réservé, mais toujours prêt à conseiller ou raconter une anecdote, j’ose la question quant à savoir s’il a déjà été aux Affaires étrangères; il me répond que oui en plus d’être agronome et économiste.

Ce matin, nous parcourons la ville car nous devons convertir des sous en attendant de téléphoner à nos interlocuteurs. Il propose que nous allions dans une des agences de Casas del cambio (CADECA) ce que nous faisons et nous voilà dans un centre commercial sous un immeuble très haut tout près du Habana Libre. L’immeuble a été construit dans les années 50 et en fonction des vents. En fait, c’est un des points communs des îles, construire pour avoir de la fraîcheur. Il vente énormément et fait à peu près 17°C, c’est dire comme je n’étais pas prête à partir en voyage, je porte le seul chandail en lainage que j’ai en ma possession. Je suis fatiguée, je n’ai aucune énergie, je n’ai pas dormi, donc j’ai forcément froid si bien que je ne compte pas mon argent et que ces foutus nouveaux billets en plastique collent. Bref, -100 tomates dans mes poches. Nous allons chercher une carte SIM pour avoir un numéro afin que les nôtres puissent nous joindre.

Je suis toujours heureuse de retrouver cette ville que j’aime, seulement cette fois-ci ma tête est ailleurs. Notre chauffeur s’en aperçoit et propose que nous allions prendre un café au Nacional. Le Nacional est une institution, le fleuron hôtelier de Cuba, un peu du genre tout ce qui est chaîne hôtelière Fairmount ou CN (auparavant) si vous préférez. C’est une magnifique bâtisse juchée sur un monticule et la vue sur le Malecón est absolument à couper le souffle, et le soir venu quand La Havane brille de ses lumières on ne peut qu’admirer et penser: c’est d’une incroyable beauté. J’ai encore en tête une limonade bue sur la Plaza Vieja ce que je commande illico presto. Nous parlons de tout et de rien. J’appelle nos interlocuteurs qui me rappellent quelques minutes plus tard. Le programme a été changé, donc exit Villa Clara et Ciego de Avila, nous ferons seulement Matanzas et San José de las Lajas.

Retour à la maison, histoire de se changer et de manger. Un des interlocuteurs vient nous visiter, mais nous sommes déjà ressortis. Pendant toute la journée, notre chauffeur que j’appellerai Diego ne tarit pas de conseils, d’anecdotes. Il raconte un pan de sa vie, je découvre que nous connaissons les mêmes personnes et découvrirai plus tard que nous avons bien plus en commun qu’une relation mercantile. Ce monsieur me touche énormément, il m’émeut si bien qu’à son départ je ne peux m’empêcher de lui donner la plus chaleureuse des accolades. Je commence à penser que je suis nulle et présomptueuse d’avoir entrepris cette folle aventure. Je pense à Diego, à son savoir, à son expérience et je me demande de quel droit je crois connaître ce pays, de quel droit je pense un jour voir notre projet voir le jour? Quand vous avez devant vous un homme qui a représenté son pays, un homme qui a négocié, un homme qui a conseillé quant à l’établissement de politiques agricoles et que ce même homme à la retraite boucle ses fins de mois en offrant ses services de chauffeur, vous vous sentez petit si petit.

J’en oublie la fatigue, j’en oublie ce qui me tracasse et m’empêche de dormir. Je remercie la vie, la providence de toujours mettre sur mes sentiers ardus de belles personnes. Parce que c’est là l’essence et la beauté des rencontres.