« L’ennui avec les abstractions et les orthodoxies, c’est qu’elles deviennent des maîtresses qu’il faut constamment apaiser et flatter. La morale et les principes d’un intellectuel ne doivent en aucune façon devenir une sorte de boîte de vitesses hermétiquement closes, conduisant la pensée et l’action dans une seule direction. L’intellectuel doit voir du paysage et disposer de l’espace nécessaire pour tenir tête à l’autorité, car l’aveugle servilité à l’égard du pouvoir reste dans notre monde la pire des menaces pour une vie intellectuelle active, et morale. »
Des intellectuels et du Pouvoir, Edward W. Said, Seuil (1994 )


Il y a deux ans Edward Said quittait ce monde. Je me souviens qu’après l’annonce de sa mort, un journaliste du Globe and Mail avait écrit un article sur les intellectuels du monde arabe ou arabophone (c’est comme vous voulez) et une attention particulière était donnée à Fatima Mernissi (qui est l’incontournable intellectuelle marocaine) Bref, j’avais oublié de poster un billet le 25 septembre dernier pour marquer l’anniversaire de sa disparition. Il était et de loin la voix de bien du monde, ceux qui ont toujours refusé la pensée unique. S’il y a un intellectuel palestino-américain qui a touché autant c’est bien lui. Sa défense inlassable pour la justice et la paix ont fait de lui une voix toujours écoutée, parfois interdite (Yasser Arafat avait interdit un de ses livres), dénigré et marginalisé par d’autres. Sa rigueur intellectuelle est légendaire. Edward Said était aussi la rencontre de deux mondes, un être multiculturel, un pianiste et musicologue confirmé, un défenseur des droits et libertés pas seulement pour les Palestiniens, mais pour tous les opprimés de la terre. Un être qui ne courba jamais la tête sauf pour déclarer forfait contre la leucémie à 67 ans. On parle souvent de l’exil intellectuel comme une prison, il a prouvé que cette forme d’exil était utile car cela permet selon lui une meilleure analyse et vision des événements.

Je passe du temps à lire ce que pensent les autres et souvent je me demande si certains intellectuels ne parlent que par souci d’existence. J’observe la scène de loin comme la spectatrice et lectrice que je suis souvent. Malgré mon éloignement, je décèle malheureusement cette manie qu’on certains d’applaudir quand il ne faut pas, de devenir plus catholique que le pape et de s’ériger comme la voix de la vérité, d’intimider par leurs propos désobligeants ceux qui ne sont pas sur la même longueur d’onde qu’eux. Pathétique tout simplement. Ce n’est pas un coup de gueule, mais bien un triste constat d’une intelligentsia qui ne possède pas les atouts ethiques qui vont avec l’appellation et qui fait dans la devanture d’où la citation d’Edward Said afin d’alimenter ce pauvre billet.

Et hier est morte Madame Rosa Parks femme noire américaine qui a refusé de céder sa place dans un autobus à un Blanc. C’était en 1956. Avant elle, d’autres femmes avaient posé ce geste de refus. A son arrestation, il fut décider de boycotter le transport en commun ce qui priva la corporation de revenus. Son procès inspira deux personnages emblématiques de la lutte des droits civiques: Martin Luther King et Malcolm X.