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Plus envie de délirer, finies les vacances. Ces derniers jours ont été un vrai coup de cravache. Tout ce que je lisais me ramenait à mon Afrique, puis vinrent les bulletins de nouvelles et les horribles séquences. Que certains Marocains ne soient en rien sensibles à la question ne m’étonne guère, cela m’attriste tout au plus. Hey, takes every kind of human beings to make the world go around.
Ce matin, Laroussi nous relatait un des titres du journal Al Ahdath al Maghribia qui parlait des dangers qu’encouraient les Marocains au contact des migrants africains. Pshakh al lb7ar, j’ai rarement lu pareilles sottises. Qu’on se le tienne pour dit car après avoir sondé les propos du Professeur Himmiche voilà que le danger viendrait de la prostitution féminine des communautés migrantes qui nous le savons doivent survivre et donc vendent leurs corps. Cela voudrait-il dire qu’acheter les services sexuels de nos prostituées ramocaines zinzibaries ne représente aucun risque? Que seules les prostituées Noires Africaines sont dangereuses alors que les Ramocaines indépendamment de leur couleur ou du nombre de partenaires sont exemptes de maladies transmissibles sexuellement? Ceci est une forme de racisme des plus insidieuses car elle présente l’Autre en l’occurence le Noir comme porteur de danger. Il y a longtemps des rumeurs racistes circulaient au Maroc concernant les pélerins sénégalais qui parfois épousaient des Marocaines. On disait qu’ils étaient cannibales. Autre époque, autre rumeur. C’est ce qu’on appelle de la manipulation populiste des plus abjectes. Ras le bol de réaliser que plus ça change plus c’est pareil. Est-ce parce que nous sommes plus au Nord que nous ne sommes pas Africains pour autant ou est-ce parce que la majorité d’entre nous n’ont pas les couleurs de l’Afrique? Bref, je finis le billet en postant deux magnifiques poèmes.

Minerai Noir

Quand la sueur de l’Indien se trouva brusquement tarie par le soleil
Quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de sang indien
De sorte qu’il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d’or
On se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique
Pour assurer la relève du désespoir
Alors commença la ruée vers l’inépuisable
Trésorerie de la chair noire
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
Dans l’épaisseur du minerai noir
Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
Au moyen d’obtenir quelque alliage précieux
Avec le métal noir tout juste si des dames ne
Rêvèrent d’une batterie de cuisine
En nègre du Sénégal d’un service à thé
En massif négrillon des Antilles
Tout juste si quelque curé
Ne promit à sa paroisse
Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir
Ou encore si un brave Père Noël ne songea
Pour sa visite annuelle
A des petits soldats de plomb noir
Ou si quelque vaillant capitaine
Ne tailla son épée dans l’ébène minéral
Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
Dans les entrailles de ma race
Dans le gisement musculaire de l’homme noir
Voilà de nombreux siècles que dure l’extraction
Des merveilles de cette race
O couches métalliques de mon peuple
Minerai inépuisable de rosée humaine
Combien de pirates ont exploré de leurs armes
Les profondeurs obscures de ta chair
Combien de flibustiers se sont frayé leur chemin
A travers la riche végétation des clartés de ton corps
Jonchant tes années de tiges mortes
Et de flaques de larmes
Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
Comme une terre en labours
Peuple défriché pour l’enrichissement
Des grandes foires du monde
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
Nul n’osera plus couler des canons et des pièces d’or
Dans le noir métal de ta colère en crues.
(1956) © Présence africaine

Cher frère blanc,
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?
Léopold SEDAR SENGHOR