Il était une fois une bête de somme, de ces bêtes qui continuaient à fournir des efforts même quand la fatigue les terrassait. Elle dormait en rêvant à mieux pour ses congénères. Souvent, elle leur racontait la belle allégorie du stalinisme contée par Orwell comme pour les sortir de leur torpeur ou encore rappeler à quelques uns qu’ils devraient mieux se tasser car leurs égos empêchaient les autres de s’épanouir. Des corvées plus tard, le corps fourbu de tant d’efforts, il fut temps pour elle d’accéder à l’étable. Là au moins, elle se retrouvait avec des bêtes de somme comme elle, des bêtes qui n’avaient pas peur de travailler. Elle a donc quitté sa petite vallée après avoir assuré à son clan une récolte des plus fertiles, elle a précisé qu’elle était toujours disponible à labourer et semer les petits champs de la vallée pour continuer à vivre dans la prospérité. Il y avait un petit champ qu’elle avait labouré avec tant d’amour si bien qu’à la saison des semailles elle n’eut pas à demander d’aide car tous voulaient voir le champ fleurir de multitude de couleurs. Lorsqu’elle fut partie, ceux et celles qui devaient travailler le champ le laissèrent en friche ignorant qu’une bonne récolte se prépare longtemps à l’avance. Car il faut sarcler les mauvaises herbes il faut faire venir l’eau jusqu’au champ, il faut surveiller les parasites et empêcher leur propagation, il faut se réveiller tôt et se coucher tard et surtout ne pas faire semblant de travailler. Lorsqu’elle voyait le champ, elle ne pouvait s’empêcher de proposer son aide. Non, lui répondaient les autres, non tu verras le champ sera magnifique.
Ce soir, les mauvaises herbes ont envahi le champ car personne n’a songé à désherber, la récolte ne sera pas belle car personne n’a pensé à fertiliser, à utiliser le bon compost encore moins à l’arroser et empêcher de sauver la tout petite récolte des parasites. Non, car tous ont oublié qu’il faut travailler avant de se pavaner. Triste, un peu. Déçue aussi, mais la bête de somme a décidé de laisser les autres apprendre de leurs erreurs car elle a appris ce soir que son aide de la saison antérieure refuse de venir en aide. La bête de somme a elle aussi appris une leçon qu’elle ne travaillera plus jamais pour que les autres se prélassent. Elle pense aux fables, mais se dit que sa communauté n’est pas représentative de la paresse et elle se dit qu’il vaut mieux être associée à des bêtes comme elle plutôt qu’à des inconséquents abouliques.

La meilleure recette pour échouer est de ne jamais comparer, de ne pas faire de recherche sérieuse et de se dire réinventons la roue. Nous pensons, à tort, tout connaître. Nous oublions que nous sommes éphémères. Nous ignorons à tort que le pouvoir n’est que temporaire. Nous y accédons en nous disant qu’il n’y a nul besoin de période de transition. Nous nous amusons à improviser sans pour autant faire preuve d’humilité et le comble de la stupidité est que nous ne prenons pas en considération les premiers intéréssés.
Sans rancune!