Samedi la course, toujours la course. Echevelée, paniquée, je poursuis mon sprint. Plus loin, on crie:
-Des pulsions corticales et une certaine ondulation (accidentelle).
-Le temps s’étire qu’il pousse de lianes dans le sous-sol.
-La ballerine sur échasses joue de l’accordéon pendant que sur la piste les banquiers entament le dernier tango.
-Moi je vous dis, les corridas c’est vachement mieux. Des humains volants, c’est bien mieux que les taureaux de gradins. Et viva Pampelune! Accours, Ernest, accours! Le spectacle est ben mieux vu d’ici.
-Regardez-la courir!
-On dit d’elle qu’elle est militante du Front des sans retour, des sans visages.
-Oh Non! Pas le Front des sans visages, fermons portes et fenêtres!
– Barricadons la ville, l’anarchie va bientôt gagner notre île suspendue!
-Lançons appel aux champions de la ratiocination!
Poursuivant mon sprint tel un springbock…. évitant les sharpnell, je parviens à atteindre le fromager majestueux. Nimba m’apparaît . Là, défilent sous mes yeux hagards et fatigués caosars, nandous, colibris à poitrail rubis. La liste est longue, mais la course n’est pas finie. Je compose le 911.
-911, how may I help you?
-J’ai des visions!
-Avez-vous pris des substances illicites?
-Des quoi?
-Marijuana?
Choeur: uana uana
-Non pas du tout
-Mescaline?
-Je vous dis que j’ai des visions!
-Sorry, try the psychic network.
De l’autre côte du mur, les abeilles s’affairent. Les antilopes se refont une beauté avant d’aller rejoindre le reste des sprinteuses. Tout compte fait, je vais abandonner, courir pour courir autant vivre pour autre chose. Les chimères, toujours les chimères. Les mirages et les oasis desertées. Ne reste que l’azur du ciel qui ne sera jamais que celui de mes souvenirs.
Courir pour courir, autant apprendre à déployer ses ailes. Vu de haut, le monde pourrait être plus beau. Tout compte fait, autant reprendre la palette de couleurs et placarder les murs de la cité de couleurs chaudes et chatoyantes. Je pose mes mains sur les murs cimentés, de mes doigts déformés coule l’arc-en-ciel de la vie. Rose crépusculaire, orange brûlé, mauve du delta. Dansent les couleurs pour inscrire sur l’immobilité le cri de la vie.

Jason Mraz, I Am Yours