Il est parti un beau matin. Pleuvait-il, neigeait-il? Elle ne s’en souvient plus très bien. Il est parti comme elle a fini par plonger. Chaque relation nous enrichit se disait-elle il y a longtemps. Ils ont ri, ils se sont aimés, ils se sont perdus pour mieux se retrouver. Ils ont refait le monde selon leurs idéaux pour se rendre compte qu’ils n’étaient maîtres de rien et encore moins de leurs désirs les plus fous. Quand ont-ils cessé de converser? Toujours est-il qu’aujourd’hui il rentre sans rentrer, elle part sans jamais revenir. Dans cette bulle ils essaient de maintenir les apparences. Il l’ignore. Elle tente de rétablir le dialogue. Il répond de manière évasive sans la regarder. Elle trouve son regard blessant. Il a le regard hautain. Du coup, elle se sent toute petite. Elle essaie de comprendre me dit-elle. J’ai envie de lui dire qu’il n’y a rien à comprendre. Que ce pauvre mec est un taré, mais je n’ose pas. Nous sommes arrivées ici en même temps. Elle était vivante, toujours souriante. Sa maison ressemblait à un carrefour. J’étais toujours certaine d’y trouver des amies. Sa maison était une sorte de halte convenue pour nous les expatriées. Il y a des années, il lui avait dit qu’elle n’était plus désirable. Elle a commencé à faire du sport. Il s’absentait et en revenant se disait fatigué, lessivé. De ses tourments elle n’en a jamais glissé mot à personne. Elle a continué à être la jeune femme pleine de vitalité et au sourire ensoleillé. Puis, elle a glissé lentement. Elle se faisait rare, s’est impliquée dans des activités qui lui prenaient tout son temps. C’était sa façon à elle de compenser et surtout de ne pas penser au gouffre qui continuait de s’approfondir entre eux. La semaine dernière, il a recommencé. Il l’atteint lorsqu’elle est la plus vulnérable. Au lieu de l’ignorer, elle veut comprendre, se retrouve face à un mur. Du coup, elle passe ses journées à pleurer. Le fait qu’elle n’ait personne dans le coin accentue sa détresse. Elle me dit que si elle avait été ailleurs, elle serait sortie, elle aurait été mieux préparée à discuter. Mais qu’ici, elle est prisonnière des grands espaces, de l’isolement. Il y a des jours où je maudis Khmiss Batata car sous ce décor bucolique se cachent parfois les plus tristes des réclusions. Faut que je m’occupe d’elle non par pitié ou par amitié, mais bien parce que je sais combien ce genre d’isolement peut être destructeur.